Chaque plante est unique. S'intéresser à ses origines, à sa morphologie et à sa "famille" (cf : "la plante, un "être vivant passionnant") permet de mieux la connaitre mais ne suffit à établir sa véritable carte d'identité. Pour cela il est indispensable de s'intéresser également aux substances qui la composent.
Pour mettre en évidence l'ensemble de ses constituants (dont ceux possédant des propriétés thérapeutiques, dits "principes actifs"), des analyses sont nécessaires. Elles permettent de plus de s’assurer de la qualité du végétal. C'est un gage de sécurité en phytothérapie.
C'est la raison pour laquelle la législation impose certaines étapes entre le récoltant des plantes médicinales et le laboratoire (ou la pharmacie quand il s'agit de vrac).
Analyser et comprendre la composition d'une plante relève du domaine scientifique et reste réservé aux initiés. Bien que ce sujet soit complexe et impossible à assimiler en quelques minutes de lecture, je vous propose d'en décrypter l'essentiel afin que les plantes n'aient "presque" plus de secrets pour vous !
(Cet article est composé de 2 parties distinctes : la première évoque les analyses et les contrôles effectués sur la plante, la seconde détaille son métabolisme (primaire et secondaire). Cela vous permettra de l'aborder en plusieurs fois si vous le souhaitez !)
LES ANALYSES et CONTRÔLES
Mettre en évidence certains constituants issus du métabolisme secondaire d'une drogue végétale (principes actifs ou traceurs, reflets de la composition chimique de la plante) permet généralement d'identifier cette drogue.
Pour analyser la composition d'une plante, des techniques physico-chimiques performantes sont employées. Ceci permet de confirmer son identité afin d'éviter les erreurs mais aussi de voir si la plante contient des polluants (type pesticides).
Réactions d'identité
Ces analyses se réalisent facilement et rapidement sur des constituants présents en quantité importante. A l’aide de produits chimiques, une coloration (ou une précipitation) apparait, spécifique de certaines classes de substances chimiques : alcaloïdes, flavonoïdes, coumarines, saponosides, etc. Il faut cependant être prudents sur l’interprétation des résultats.
Les analyses chromatographiques
La chromatographie est une méthode physico-chimique qui sert à séparer les différentes substances présentes dans un mélange. Elle rend possible l’identification des différentes molécules présentes dans la plante.
Diverses techniques chromatographiques sont employées (exigées par les pharmacopées) afin de garantir l'identité et la qualité pharmaceutique d'une drogue :
la chromatographie sur couche mince (C.C.M.),
la chromatographie en phase gazeuse (C.P.G.),
la chromatographie liquide à haute performance (C.L.H.P.).
Méthode
Les substances qui se trouvent en mélange dans la plante (ou plus précisément dans son extrait) sont séparées. Cette séparation s'effectue à l'aide d'un support solide (plaque, colonne) et d'un éluant (solvant). Pour obtenir une séparation optimale des substances, on adapte la nature du support ou de l'éluant ainsi que les conditions opératoires de l'analyse telles que la température, le débit…
L’opération est délicate et effectuée avec du matériel sophistiqué mais les résultats sont extrêmement fiables.
Composés fixes et composés volatils
Le pouvoir d'analyse du chromatographe permet de séparer un très grand nombre de constituants chimiques des extraits végétaux obtenus à partir de plantes médicinales.
Les composés fixes sont identifiés par chromatographie sur couche mince. Par exemple : des glucides, des lipides, des protéines, des vitamines, des alcaloïdes, des hétérosides, des stéroïdes, des polyphénols, etc.
Les composés volatils (provenant notamment de plantes aromatiques) sont identifiés par chromatographie en phase gazeuse. Le profil chromatographique permet d'identifier les espèces aromatiques et même les différents chémotypes d'une même espèce. Cette technique est donc idéale pour les plantes aromatiques qui contiennent des huiles essentielles (thym, sariette, lavande, etc.).
Les contrôles
Le dosage
Le dosage des principes actifs et des traceurs est un premier contrôle de qualité car ces derniers attestent du degré d'activité thérapeutique de la drogue.
Certaines espèces végétales rencontrent des variations suivant les saisons : les dosages sont donc obligatoires. Les normes acceptées sont mentionnées à la Pharmacopée dans les monographies respectives des drogues en question.
Les autres contrôles qualité
Les plantes doivent être d'excellente qualité et pures pour en tirer le meilleur parti.
Pour veiller à cela, elles doivent être cultivées et récoltées dans de bonnes conditions, correctement séchées, bien conservées, et leur date limite de conservation doit être respectée.
La Pharmacopée préconise également de procéder à un certain nombre d'analyses afin de détecter les éléments qui ne se trouvent pas à l'état naturel dans les plantes médicinales. Les spécifications qu'elle donne doivent être suivies. Dans le cadre officinal, les plantes en vrac délivrées par un établissement pharmaceutique sont accompagnées d’un bulletin de contrôle.
La conformité à la Pharmacopée est obligatoire pour garantir qualité et sécurité.
Voici les principales recherches effectuées sur les végétaux :
Recherche d’éléments étrangers
Une plante contient toujours des éléments étrangers de différentes natures :
des parties et matières étrangères comme des organes autres que la drogue mais appartenant à la même plante,
d’autres plantes, par falsification volontaire ou involontaire de la part des producteurs,
des matières minérales comme des cailloux ou du sable, des insectes, etc.
La Pharmacopée tolère un taux d’éléments étrangers d’environ 2%.
Mesure du taux d’humidité et perte à la dessiccation
Il est important de déterminer le pourcentage d'eau car un taux d'humidité trop élevé peut être très lourd de conséquences. Certain nombre de réactions enzymatiques peuvent alors se développer, entraînant une modification d'aspect des drogues, de leurs caractères organoleptiques, de leurs propriétés thérapeutiques (par dégradation des principes actifs dans le temps). Des micro-organismes (bactéries, levures, moisissures) peuvent aussi plus facilement se développer car l'humidité favorise leur prolifération.
Développement de micro-organismes
Il est naturel que les plantes soient contaminées par des micro-organismes présents dans le sol, le fumier et les poussières. Certains germes détruisent parfois les principes actifs des plantes médicinales. C'est pourquoi la Pharmacopée européenne propose des spécifications concernant la qualité microbiologique des préparations pharmaceutiques : en fonction du nombre de germes par gramme, la plante est soit écartée, soit décontaminée (à l'aide de rayonnements ionisants gamma à faible dose).
Contaminations microbiennes
Nombreux micro-organismes présent dans la terre peuvent contaminer les plantes récoltées. Les contaminations peuvent également provenir de la fumure organique naturelle (source de germes) ou des différentes manipulations réalisées pour la mise en forme des drogues.
Taux de cendre
Il est important de connaître la quantité de terre (due à un lavage insuffisant ou au contraire à un ajout frauduleux) pour évaluer la qualité d'une plante médicinale. La carbonisation de la plante permet l'élimination des matières organiques. Ainsi, il ne reste que les matières minérales, ce qui permet de connaître le degré de propreté et de détecter l'utilisation d'agents de fertilisation.
Pour certaines espèces végétales (comme la Prêle) qui contiennent à l'état naturel une quantité importante de silice, le taux de cendre est normalement très élevé.
Résidus de produits sanitaires
La consommation de plantes médicinales ne cessant d'augmenter, la cueillette met en danger les gîtes naturels. C'est pourquoi la culture est nécessaire. Mais elle n'est pas - hélas - toujours Bio et le cultivateur utilise parfois des insecticides, des fongicides, des herbicides…
La recherche de pesticides est très réglementée et obligatoire.
Parmi les résidus sanitaires, nous retrouvons : les pesticides, les insecticides, les herbicides, les fongicides, les engrais, etc.
Les analyses reposent sur des méthodes spécifiques de dosage par chromatographie en phase gazeuse.
Les produits phytosanitaires sont bien codifiés par la Pharmacopée européenne, notamment les pesticides, désignés ainsi : “Est considérée comme pesticide toute substance ou association de substances destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs et les espèces indésirables de plantes et d'animaux, causant des dommages ou se montrant autrement nuisibles durant la production, la transformation, le stockage, le transport ou la mise sur le marché de substances médicinales d'origine végétale.
Ce terme comprend les substances destinées à être utilisées comme régulateurs de croissance des plantes, comme défoliants, comme agents de dessication, ainsi que les substances appliquées sur les cultures, soit avant, soit après la récolte, pour protéger les produits contre la détérioration durant l'entreposage et le transport.”
Métaux lourds
Les métaux lourds incriminés sont le cadmium (Cd), le cuivre (Cu), le fer (Fe), le nickel (Ni), le plomb (Pb), le zinc (Zn), l'arsenic (As) et le mercure (Hg). Les métaux lourds tels que le plomb, le cadmium, sont plus particulièrement recherchés et des normes ont été fixées pour les différents organes de la plante tels que les racines, les feuilles, les fruits, les graines.
Contamination radioactive
La découverte de radioactivité dans certaines plantes médicinales a posé le problème de la recherche des radio-éléments dans les drogues végétales afin de déterminer les niveaux maximaux admissibles en radionucléides dans les denrées alimentaires et les plantes médicinales. Il n'existe à l'heure actuelle aucune méthode pharmaceutique officielle de recherche de radioactivité sur les plantes médicinales.
Recherche de substances toxiques étrangères
Il est impératif de procéder à une recherche des aflatoxines (mycotoxines produites par des champignons proliférant sur des graines conservées en atmosphère chaude et humide). Elles sont nuisibles aussi bien chez l’Homme que chez l’animal et possèdent un pouvoir cancérigène élevé.
Les substances toxiques étrangères peuvent aussi être d’un tout autre ordre comme pour les plantes fréquentant le même biotope et qui se développent côte à côte. Par exemple la racine de Bardane (Arctium lappa L.) peut être contaminée par des racines de Belladone (Atropa belladona L.) : les alcaloïdes synthétisés par la Belladone sont extrêmement toxiques.
Recherche de contamination par les solvants
Les médicaments à base de plantes sont préparés à partir d'un nombre limité de solvants (alcool, le méthanol, plus rarement l'acétone, l'acétate d'éthyle, le nbutanol, l'hexane et l'heptane). On distingue trois catégories de solvants selon leurs risques potentiels.
- La classe 1 regroupe les solvants ne devant pas être utilisés : benzène, tétrachlorure de carbone.
- La classe 2 se placent ceux présentant des limites d'utilisation : chloroforme, cyclohexane, éthylène glycol, hexane, méthanol, pyridine, toluène, xylène.
- La classe 3 est réservée aux faibles potentialités toxiques : acétone, acide acétique, butanol, éthanol, éther éthylique, méthyléthylcétone, 1-propanol et 2-propanol.
La recherche de solvants résiduels est donc réalisée. La limitation dépend du type de produit utilisé, de la voie d'administration, des posologies et de la durée de traitement.
METABOLISME PRIMAIRE et
SECONDAIRE
Les différentes analyses effectuées sur une plante, comme nous l'avons vu, permettent d'identifier les différents éléments chimiques présents.
Voyons donc désormais quels sont ces éléments.
Métabolisme de la plante
On distingue deux types de métabolismes dans les végétaux : le métabolisme primaire et le métabolisme secondaire.
Le métabolisme primaire
Il produit des molécules de base impliquées dans la physiologie du végétal, sa structure, sa croissance, son développement et sa reproduction.
On trouve des glucides, des protéines et les acides aminés qui les constituent, des lipides , des vitamines, des macro-éléments et des oligo-éléments (éléments-traces, présents en infime quantité).
Les sucres : glucides et polysaccharides
On distingue deux types de sucres : Les sucre simples et les sucres complexes.
Le terme « -ose » caractérise un sucre simple (glucose, fructose, galactose, arabinose, fucose, etc.). Le terme « -oside » désigne leur association.
Les sucres simples
Ce sont des glucides simples (molécules de petites tailles) caractérisés, du type ose (monosaccharide) ou diholoside (disaccharide). On y trouve glucose, fructose, galactose, saccharose, lactose, maltose, etc.
Le glucose, galactose et fructose sont souvent présents dans la plante.
Les sucres complexes
Les sucres complexes, ou polysaccharides, sont des glucides composés d’une longue chaîne de molécules de glucose ou de fructose. Ce sont des molécules qui sont de taille plus importante que celle des sucres simples. Ils peuvent être homogènes (un même ose) ou hétérogènes (plusieurs oses différents). : glucosides, hétérosides, etc.
L'amidon est la réserve d'énergie des végétaux, les pectines ont un rôle de soutien, les fructanes sont présents surtout dans les racines, les bulbes, les tubercules et rhizomes (action diurétique), les gommes et mucilages (ex : le caroubier, le psyllium ou la mauve) ont une action laxative.
Graisses, lipides, huiles grasses, acides gras, et dérivés
Les lipides
Les végétaux sont de gros pourvoyeurs de lipides, qui sont constitués d’acides gras.
(Pour en savoir plus sur les acides gras, je vous invite à consulter l'article du les Huiles végétales : par ici )
Les dérivés
Les huiles végétales
Elle contiennent une partie non lipidique, l’insaponifiable, qui contribue aussi à leurs propriétés. Des extraits combinés lipido-stéroliques, sont apparentés aux lipides. On y trouve aussi les phytostérols (cf «métabolisme secondaire»),
Les polyines
Autres composés dérivés des acides gras, elles sont très intéressantes bien que peu répandues. Fragiles, elles caractérisent des plantes de la famille des Astéracées, qui doivent être utilisés fraîches (bardane, échinacées). Les polyines ont des propriétés antifongiques et antibactériennes.
Acides aminés, protéines et dérivés
Les acides aminés sont des molécules unitaires qui, associées dans un ordre précis, vont former des protéines (les protéines sont constituées d’enchaînement d’acides aminés.) . Chaque acide aminé confère à la protéine des propriétés spécifiques, et l'ordre d'assemblage lui donne une fonction bien précise.
Les protéines «thérapeutiques»
Les enzymes protéolytiques (ou peptidases)
Elles permettent de découper d’autres protéines en sous-unités plus petites et assimilables (en peptides, formés par assemblage d’au moins deux acides aminés).
Les enzymes sont utilisés par exemple pour soutenir la digestion (papaïne de la papaye) ou comme anti-œdémateux (bromélaïnes de l’ananas).
Les lectines
Sans activité enzymatique, elles possèdent des propriétés très intéressantes, à faible dose (en raison de leur toxicité). Ces protéines se fixent de façon spécifique et réversible sur des récepteurs des membranes cellulaires. Leur emploi sera pour cette raison très codifié.
Autres molécules
D’autres molécules qui ne font pas partie des constituants des protéines, mais qui font néanmoins partie de la famille des acides aminés, peuvent être retrouvés dans les végétaux par exemple le 5-hydroxytryptophane, précurseur de la sérotonine, et présent dans la graine du griffonia.
Vitamines, minéraux et oligo-éléments
Les vitamines
Les vitamines sont des substances chimiques indispensables à l’organisme pour réaliser des réactions chimiques clés pour l’être humain. Dans leur environnement naturel, les vitamines sont beaucoup plus actives que sous forme synthétique. Les plantes médicinales contiennent des vitamines en plus ou moins grande quantité. Certaines plantes sont particulièrement riches, comme le cresson qui contient des doses élevées de vitamine E.
13 familles de vitamines sont définies et classées en deux catégories :
Les vitamines liposolubles (qui peuvent se dissoudre dans les graisses) : A, D, E, K. Stockées dans les tissus adipeux (D, E) et en quantité importante dans le foie (A), leur capacité à être accumulées par l’organisme entraîne un risque potentiel de toxicité en cas de surdosage,
Les vitamines hydrosolubles (qui peuvent se dissoudre dans l’eau) du groupe B (B1, B2, B3 ou PP, B5, B6, B8, B9 et B12) et C. Elles peuvent être stockées, mais les risques de surdosage sont moins élevés en raison de leur élimination dans les urines.
Les minéraux et oligo-éléments
Les minéraux
Ce sont des substances inorganiques présentes dans les nutriments : calcium, magnésium, potassium, sodium, phosphore, fer, iode, etc.
Les oligo-éléments
Ces substances présentent dans l’organisme en très petites quantités : chrome, zinc, manganèse, cuivre, fluor, silicium, sélénium, etc. Les 2 sont indispensables au fonctionnement de l’organisme.
Les plantes contiennent : du magnésium (composant essentiel de la chlorophylle), du potassium (favorise la photosynthèse – diurétique), du calcium (permet la minéralisation des parois de la plantes), du fer (participe à la synthèse de la chlorophylle), du manganèse et du zinc (rôle co-enzymatique), etc.
Exemple de plantes contenant des vitamines,
minéraux et oligo-éléments
la luzerne, (Medicago sativa),
l'églantier (Rosa canina),
le sorbier (Sorbis aucuparia),
l'ortie piquante (Urtica dioica).
Le métabolisme secondaire
Le métabolisme secondaire produit des molécules plus spécialisées qui ne participent pas directement au développement de la plante, mais sont liées à sa vie de relation (par exemple des toxines pour repousser les prédateurs, des phéromones pour attirer les pollinisateurs, etc.).
On considère que ce sont les principes actifs de la plante, responsables de l’essentiel de l’activité thérapeutique: alcaloïdes, polyphénols, saponosides, coumarines, stéroïdes, terpènes, etc.
C’est cette production chimique qui peut être spécifique d’une famille végétale et qui caractérise l’adaptation de la plante à son biotope.
Composés phénoliques/polyphénols
C’est un groupe majeur de principes actifs.
Les composés phénoliques, au sens large, constituent un vaste ensemble de plusieurs milliers de substances. Très nombreux, ils peuvent être simples ou résulter de leur enchaînement. On parlera alors de polyphénols.
Les composés phénoliques présentent un grand intérêt en santé humaine, avec de puissantes propriétés de protection.
Les composés phénoliques simples
les phénols simples
Ces composés rares dans la nature),
Les acides phénols
Les acides phénols (acides phénoliques) sont variés et rencontrés dans différentes plantes dont les activités thérapeutiques sont dominées par la fonction métabolique ou de drainage.
Certains de leurs dérivés ont des propriétés plus spécifiques, comme par exemple, l’arbutoside de la busserole en urologie.
La fonction phénol produit souvent de fortes propriétés antimicrobiennes (les phénols sont des composants courants dans les huiles essentielles).
Ces molécules sont aussi parmi les plus actives pour piéger les radicaux libres au niveau de leur cycle phénolique (effet antioxydant).
Exemple de plantes contenant des acides phénols : romarin (acide rosmarinique), artichaut et verge d’or (esters de l’acide caféique).
Les polyphénols
Les polyphénols sont situés principalement dans les tissus épidermiques des végétaux, qui permettent aux plantes de se défendre contre les agressions environnementales, surtout les rayonnements ultraviolets (propriétés antioxydantes).
Il est actuellement avéré qu’une alimentation riche en polyphénols végétaux est associée à une réduction du risque de maladies cardiovasculaires telles que les maladies coronariennes.
Les tanins
Les tanins sont les polyphénols les plus volumineux.
Comme tous les polyphénols, les tanins ont la propriété de se fixer sur les protéines des membranes biologiques, ce qui va va influencer leurs propriétés.
On les retrouvera en dermatologie, gastro-entérologie, stomatologie, infectiologie.
Cette particularité a été à l’origine du tannage des peaux qui permet leur conservation prolongée, les transformant en un matériau imputrescible, le cuir. On utilisait surtout les tanins de Chêne et de Châtaignier pour cet usage. C’est la « noix de galle », une tumeur produite par la piqûre d’un insecte dans les feuilles du Chêne, qui a permis historiquement la préparation du tanin officinal.
Toute la famille des Rosacées est pourvue de tanins, ce qui est pratique pour l’apprentissage (alchémille, ronce, aigremoine, etc.). On en retrouve bien sûr aussi dans d’autres familles (Polygonaceae).
Les flavonoides
Les flavonoïdes sont des pigments, responsables de la coloration des végétaux (feuilles, fruits, fleurs), et assurant la protection vis-à-vis des rayonnements ultra-violets.
La propriété la plus anciennement connue des flavonoïdes reste la protection vasculaire.
Voici les différentes classes de flavonoïdes :
- Flavonols,
- Flavones,
- Isoflavones,
- Flavanones,
- Flavanols ou flavan-3-ols,
- Anthocyanidines,
- Chalcones et aurones.
Les flavones et les flavonols sont retrouvés dans de très nombreuses plantes médicinales. Ils représentent environ 80 % des flavonoïdes, et entrent en synergie avec les autres composés actifs. Les flavanones sont présentes dans les agrumes.
Les lignanes
Les lignanes sont des molécules largement rencontrées chez les végétaux. Ils sont classés dans les dérivés phénoliques et apparentés aux flavonoïdes, sur le plan de leurs effets biologiques et nutritionnels.
Ils présentent des intérêts divers : par exemple les flavonolignanes du chardon-marie sont hépato-protecteurs.
Autres composés phénoliques
Les quinones
Ce sont des « composés oxygénés qui correspondent à l’oxydation de dérivés phénoliques » (Jean Bruneton).
On trouvera plus particulièrement en phytothérapie :
- Les naphtoquinones,
- Les anthraquinones. Les drogues à anthraquinones (ou anthracénosides) sont évitées par les phytothérapeutes car la plupart sont de puissants laxatifs (séné, bourdaine, suc d’aloès).
Les coumarines
Les coumarines sont des « dérivés phénoliques à noyau benzo-alpha-pyrone ». Elles sont retrouvées dans diverses familles de végétaux (Apiacées, Asteracées, Fabacées, Rutacées).
Certaines furanocoumarines sont photosensibilisantes (psoralène, bergaptène) par contact cutané.
Exemple de plantes contenant des composés phénoliques
reine des près (Spiria ulmaria),
thym (Thymus vulgaris),
mélilot (Mélilotus officinalis),
bourrache (Sylibum marianum),
alchemille (Alchemilla vulgaris L.).
Les glucosinolates (hétérosides soufrés)
Ils sont synthétisés à partir des acides aminés par les plantes de la famille des Brassicacées (moutardes, cresson, raifort, choux, radis noir) ou de familles apparentées (capucine). Ils sont hydrolysés par une enzyme présente dans la plante, la myrosinase (rôle dans le mécanisme de défense des végétaux) qui produit des isothiocyanates (détoxifiants vis-à-vis des toxiques exogènes).
Les huiles essentielles
Les huiles essentielles extraites des plantes par distillation comptent parmi les plus importants principes actifs des plantes. Ce sont de petites molécules volatiles et odorantes.
Dans l’essence végétale, plusieurs milliers de molécules aromatiques ont été répertoriées. des hydrocarbures terpéniques, mais aussi des alcools, des aldéhydes, des cétones, des éthers-oxydes, des esters, des phénols … On retrouve, deux grandes séries de composés : les composés terpéniques et les composés aromatiques.
Les composés terpéniques
les hydrocarbures terpéniques
La voie des terpènes s’effectue à partir d’une molécule à cinq atomes de carbone, l’isopenténylpyrophosphate (= IPP), fournissant une « unité isoprénique ».
Par enchaînements successifs ou combinaisons de cette structure de base, il y a formation de :
- monoterpènes : c'est une molécule à odeur agréable. On en trouve par exemple dans le laurier d'Apollon (Laurus nobilis) ou la verveine (Verbena officinalis).
- sesquiterpènes,
- diterpènes.
les composés terpéniques oxygénés
À partir des molécules hydrocarbonées (ou hydrocarbures terpéniques, associant uniquement hydrogène et carbone), le végétal conçoit, principalement par réactions d’oxydo-réduction, divers composés aromatiques nommés terpénoïdes aux fonctions biochimiques variées. Ce sont des composés oxygénés ayant la structure des terpènes et appartenant à différentes familles chimiques :
- Alcools : présent par exemple dans les huiles essentielles de roses (Rosa) - c'est essentiellement le géraniol qui contribue à donner son odeur,
- Cétones : la menthone présente dans la menthe est responsable aussi de son odeur,
- Aldéhydes,
- Ethers-oxydes,
- Esters.
Les composés aromatiques
p.Cymène et dérivés
- le p.Cymène,
- les phénols : comme le thymol dans le thym, ou le carvacrol dans l'origan et la sarriette,
- les composés dérivés du phénylpropane : par exemple l'estragol qui constitue 60 à 75% de l'huile essentielle de l'estragon.
Infos + sur les molécules aromatiques
Le nom des molécules aromatiques est formé en ajoutant un suffixe à celui de l’hydrocarbure correspondant à la chaîne principale. Ce suffixe fournit une indication sur la parenté chimique de la molécule.
- suffixe -ène : hydrocarbures terpéniques (alpha- et bêta-pinène de la résine du pin maritime ou des aiguilles de pin sylvestre, limonène des zestes de Citrus),
- suffixe -ol : alcools (linalol, menthol, géraniol, citronellol, cédrol, salviol etc.).
- suffixe -al : aldéhydes (géranial et néral de la citronnelle)
- suffixe -ate de -yle : esters (acétate de linalyle de la sauge sclarée, salicylate deméthyle de la gaulthérie).
Dérivés des monoterpènes : les iridoïdes
La petite famille des iridoïdes (dérivée des monoterpènes: monoterpénoïdes) sont des métabolites secondaires présents chez de nombreux végétaux et certains animaux. On les trouve dans nombreuses plantes médicinales.
Leurs propriétés générales sont encore assez méconnues. Elles évoquent les propriétés anti-inflammatoires bien connues de l’harpagoside de l’harpagophyton. Mais on trouve d’autres propriétés assez variées : tranquillisantes avec les valépotriates de la valériane ; hypotensives avec l’oleuropéoside, le ligustroside de l’olivier ou stimulantes avec le gentiopicroside de la gentiane.
Dérivés des sesquiterpènes : les lactones sesquiterpéniques
Dérivées des sesquiterpènes, elles étaient nommées « principes amers » ou « amères aromatiques » dans les anciens traités de matière médicale, 3000 structures différentes sont connues !
On les retrouve principalement chez les Asteraceae (pissenlit, chicorée, artichaut, bardane, etc.), où sont recherchées leurs propriétés de stimulation de l’activité enzymatique hépatique et rénale.
La plupart des plantes qui en contiennent sont des détoxicants et des activateurs du métabolisme.
Dérivés des diterpènes
On peut citer la marrubiine (lactone diterpénique) du marrube et du lierre terrestre.
ou le carnosol du romarin, un diterpène phénolique.
Dérivés des triterpènes : Structures stéroïdiennes
Les phytostérols
Ils peuvent permettre la synthèse chimique de stéroïdes, et certaines plantes doivent leur activité pseudo-hormonale à ces composés, c’est le cas de la graine de courge dans l’hypertrophie prostatique.
Les triterpènes pentacycliques
Ils possèdent dans la plante un rôle de protection vis-à-vis des micro-organismes.
On les retrouve entre autres dans les Lamiacées (romarin, mélisse, sauge, etc.).
Les hétérosides cardioniques
Ils sont toujours employés en thérapeutique dans l’insuffisance cardiaque (exemple, les cardénolides des digitales) avec une marge thérapeutique étroite.
Saponosides (= saponines)
Les saponines sont des molécules naturellement produites par des plantes ou les animaux. Ils appartiennent aux terpènes cycliques ou aux stéroïdes et possèdent à la fois un pôle hydrophile et un pôle hydrophobe lipophile.
Ils se caractérisent par des propriétés tensio-actives, en formant des solutions moussantes avec l’eau (en la frottant dans l’eau, la saponaire produit une mousse lavante). Certaines plantes dépuratives doivent leurs effets à ces composés (desmodium, chrysanthellum, plantains, etc.).
Un certain nombre de saponosides servent à assurer la défense du végétal contre les attaques des micro-organismes.
Les caroténoïdes
Ce sont de longues molécules colorées hydrophobes, pigments des feuilles et des fleurs de nombreux végétaux, pour lesquels ils assurent également la protection vis-à-vis des rayonnements nocifs. Cette propriété de photo-protection est transposable chez l’homme : beaucoup d’entre eux sont des précurseurs de la vitamine A (provitamine A).
Les alcaloïdes
Ce sont les molécules sans doute les plus actives de toute la pharmacopée végétale. On leur doit la notion de «principe actif ».
On définit un alcaloïde comme un composé organique azoté tiré d’un végétal, ayant le plus souvent une activité thérapeutique très intense : quinine, morphine, éphédrine, strychnine, atropine, scopolamine, nicotine, cocaïne, etc . Ils seraient peut-être en relation avec une défense du végétal contre des agresseurs animaux, et sont le plus souvent responsables de la toxicité des plantes.
Les alcaloïdes sont toujours des substances à marge thérapeutique étroite. Leurs effets indésirables sont souvent à maîtriser.
Certains alcaloïdes manifestent une action préférentielle au niveau du système nerveux central (morphine du pavot), et modifient les fonctions cérébrales,
D’autres manifestent une activité sur le système nerveux autonome, stimulante ou freinatrice des systèmes sympathique et parasympathique,
On trouve en outre des anesthésiants (cocaïne), des curarisants (curare), des hypertenseurs (caféine) ou anti-hypertenseurs (réserpine), des antipaludéens (quinine).
Elles sont souvent présentes en faible quantité et toujours en grand nombre dans d’autres plantes médicinales aux propriétés plus anodines (leur prescription reste à maîtriser du fait de leur toxicité potentielle). Comme par exemple :
les pavines de l’eschscholtzia,
la vincamine de la petite pervenche,
la centaine d’alcaloïdes de la fumeterre,
la boldine et ses dérivés dans le boldo ,
les béta carbolines de la passiflore.
Exemple de plantes contenant des alcaloïdes
fumeterre (Fumaria officinalis),
tussilage (Tussilago farfara),
consoude (Synphytum officinale),
pavot de Californie (Eschscholtzia californica)
INFOS + sur les principes actifs :
Il est possible de repérer une composition spécifique au sein d’une même famille de plantes (molécules proches ou identiques). Par exemple, il y a toujours des tanins dans les Rosacées, de l’acide rosmarinique dans les Lamiacées (labiées), etc.
Le nom d’une molécule indique souvent le chef de file des plantes qui en contiennent : le menthol provient des menthes, la thuyone provient du thuya, le thymol du thym, l’acide rosmarinique est présent dans le romarin, etc.
POUR TERMINER ...
Comme nous venons de le voir, pour être utilisée sans danger, une plante doit être analysée, contrôlée et l'ensemble de ses composants doivent être connus. Cette carte d'identité qui lui est propre est seul gage de sécurité pour les consommateurs.
Lorsque l'ensemble des étapes a été effectué, alors la plante peut-être mise sur le marché (en respectant la règlementation en vigueur et les précautions d'emploi).
Je n'entre pas dans le détail de chaque molécule dans cet article, mais une dernière précision pourrait être apportée pour conclure, concernant le rôle et les propriétés des substances contenues dans la plante (et surtout l'utilisation qui en est faite par les laboratoires ou officine). Car cela fait aussi partie de la carte d'identité de la plante.
Une distinction a été établie entre nutrition et thérapeutique concernant le rôle des composants selon qu'ils appartiennent au métabolisme primaire et au métabolisme secondaire.
Les plantes alimentaires et les suppléments nutritionnels, fourniraient des molécules du métabolisme primaire et les phytomédicaments seraient produits par le métabolisme secondaire.
Cela est toutefois est remis en question car :
certains produits du métabolisme primaire sont des "médicaments" très actifs
- Les polysaccharides (polymères de glucides) sont utilisés comme fibres alimentaires , agents gonflants pour fluidifier les sécrétions ou lubrifier les intestins , agents osmotiques et immunomodulants. Ils sont employés dans les disciplines de gastro-entérologie, pneumologie, néphrologie, infectiologie, etc. ;
- Les acides gras « essentiels » nous sont indispensables, car nous ne savons pas les synthétiser. Certains ne trouvent leur source que dans le monde végétal, ils sont à la fois nutritionnels et thérapeutiques (oméga-6 pour la peau, oméga-3 pour les troubles métaboliques, lipidiques et la protection des membranes, du système nerveux…) ;
- Certaines protéines sont des enzymes protéolytiques, utilisées par exemple pour soutenir la digestion ou comme anti-œdémateux ;
- Certains acides aminés sont à l’origine de neuromédiateurs cérébraux ( le 5-hydroxy-tryptophane est le précurseur immédiat de la sérotonine).
nombreuses molécules du métabolisme secondaire sont très importantes au plan alimentaire, du fait de leurs qualités odorantes, gustatives, digestives, colorantes, mais aussi physiologiques, protectrices et préventives.
C’est le cas de flavonoïdes comme quercétine, rutine, kaempférol… qui sont les piliers de diverses propriétés préventives des phytonutriments, mais qui ont aussi des effets « médicamenteux » très spécifiques, en même temps qu’ils jouent un rôle synergique dans les associations moléculaires.
Ainsi, la pharmacognosie moderne (science des médicaments d’origine naturelle, minérale ou biologique) distingue des « principes actifs» issus du métabolisme secondaire, mais elle ne néglige pas d’autres « molécules utiles », qui en modulent les effets de façon synergique.
L'importance du totum
Comme c’est le cas pour la pharmacologie conventionnelle, la connaissance des grandes familles de molécules est une base analytique importante pour la connaissance : elle permet de connaître les propriétés, les indications, les précautions d’emploi des substances naturelles.
Mais il ne faut pas oublier qu’un extrait de plante médicinale ne constitue pas une simple juxtaposition de molécules : c’est un ensemble cohérent, un totum (ensemble des constituants de la plante supposés actifs). qui possède des propriétés spécifiques liées à la complexité des molécules biologiques qui cohabitent. Elles agissent en synergie et par complémentarité pour moduler, modérer ou renforcer l’activité de la drogue.
Les molécules prises séparément ne sont généralement pas capables de reproduire les mêmes effets que la plante d’origine. Le totum est plus efficace que le principe actif isolé et souvent en tempère les effets secondaires. La plante présente alors des potentialités d’action très variées, pour un résultat plus sûr et plus complet sur le terrain du malade.
Sources et références :
Jacques Pellecuer, ancien professeur de pharmacognosie à la faculté de pharmacie de Montpellier, titulaire de la chaire de phyto-aromathérapie et expert auprès de l'AFFSAPS.
Larousse-des-plantes-medicinales.pdf https://tice.ac-montpellier.fr/ABCDORGA/Famille6/HUILESESSENTIELLES.htm
"Pharmacognosie (5° Éd.)Phytochimie - Plantes médicinales" - Auteur : BRUNETON Jean
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